lundi 10 septembre 2012

Giordano Bruno


Visionnaire exceptionnel, Giordano Bruno de son vrai nom Fillipo Bruno est l'un de ces hommes des siècles passés qui suscite l'admiration. Dans l'histoire de l'humanité, c'est le symbole même du courage intellectuel et de l'homme incompris trop en avance sur son temps. Par rapport à une époque donnée, c'est pour moi la personne qui apporta les idées les plus audacieuses et les plus révolutionnaires. Il s'est radicalement singularisé de la pensée de ses pairs en prônant des idées choquantes et blasphématoires pour son temps telles que la non-création du monde, l'infini de l'univers, la pluralité des mondes habités. Il défendit ardemment ses idées allant même jusqu'à mourir sur le bucher, condamné par l'Eglise de Rome pour avoir refusé de se repentir. Ses travaux continue à notre époque de bouleverser totalement notre schéma de pensée.

Héritage de Giordano Bruno

A son époque, il est admis depuis presque deux millénaires que le soleil ainsi que tous les astres tournent autour de la Terre qui est une planète immobile au centre de l'univers. Partisan de la théorie copernicienne héliocentrique, Bruno l'enseigne à ses étudiants mais en allant beaucoup plus loin. Là ou Copernic pensait que le soleil était une étoile unique dans un univers fini et étroit, Bruno proclame que l'Univers est infini, dépourvu de centre et qu'au-delà de notre système solaire se trouvent d'autres astres, d'autres soleils comparables au nôtre ainsi qu'une multitude de planètes susceptibles d'abriter la vie.

« Nous affirmons qu'il existe une infinité de terres, une infinité de soleils et un éther infini. » (De l'Infini, de l'Univers et des Mondes)

Trente années avant Galilée, sans aucune sorte de lunette astronomique, Giordano Bruno pressenti l'infini avec pour seul instrument un jugement non imprégné des grands dogmes de l'Eglise catholique...

Bien qu'il ne fut pas reconnu comme un "véritable savant mais comme un dominicain, philosophe et écrivain, on ne peut qu'admettre que Giordano Bruno arrivait à démontrer des faits implacables de la physique avec une justesse et une facilité déconcertante. Selon Aristote, la Terre était immobile, la preuve, si l'on fait tomber du haut d'un arbre ou d'une tour, une pierre, elle tombe verticalement ; pour lui si la Terre tournait, la pierre se déplacerait pendant le temps de la chute et l'endroit où elle tomberait serait décalé dans le sens inverse du mouvement terrestre. Bruno démontra cette fausse preuve de la fixité de la Terre. Si on lâche une pierre du haut du mât d'un bateau en mouvement, elle tombera toujours au pied du mât, quel que soit le mouvement du bateau par rapport à la rive. Bateau, mât et pierre forment ensemble ce qu'on appellera plus tard un système mécanique. Il démontra qu'il était impossible de déceler le mouvement d'un système mécanique par des expériences réalisées à bord de ce système lui-même. En montrant qu'on ne peut envisager le mouvement d'un corps dans l'absolu, mais seulement de manière relative, en relation avec un système de référence, Bruno ouvre la voie aux travaux de Galilée. 

« Toutes choses qui se trouvent sur la Terre se meuvent avec la Terre. La pierre jetée du haut du mât reviendra en bas, de quelque façon que le navire se meuve. » (Le Banquet des cendres).

Pour justifier ensuite ses théories sur l'Infini Bruno affirma que l'observation par les sens devait être être soumise à l'intelligence. Il cite par exemple le fait que l'horizon n'est pas le même si on se trouve au niveau de la mer ou sur une colline voisine. Il n'y aurait pas donc selon lui d'horizon absolu mais seulement un horizon relatif au point d'observation. De cette même façon, les étoiles qui semblent être accrochées à la sphère fixe ne représenterait que l'horizon relatif au point d'observation de la Terre. On voit ici que Giordano Bruno a plusieurs siècles d"avance sur tous ses contemporains.

« Concernant la mesure du mouvement des corps célestes, la géométrie ment plutôt qu'elle ne mesure. » 

« C'est à l'intellect qu'il appartient de juger et de rendre compte des choses que le temps et l'espace éloigner de nous»

Comme ses adversaires ne se laissent pas convaincre par son argument, Giordano Bruno en trouva deux autres. Tout d'abord, il affirme que vouloir décréter que l'univers est fini et que le firmament en est sa limite est une absurdité puisque cela supposerait qu'il y aurait quelque chose derrière. Idée qui entre en contradiction totale avec l'affirmation que le firmament est la limite ultime et absolue. Il ne peut pas à la fois avoir une limite ultime et quelque chose derrière. 

« Nous déclarons cet espace infini, étant donné qu'il n'est point de raison, convenance, possibilité, sens ou nature qui lui assigne une limite. »(L'Infini, l'Univers  et les Mondes).

Son dernier argument est plus théologique, il affirme qu'un Dieu infini et infiniment bon n'a pu créer qu'un univers à sa mesure, donc un univers infini. 

« Ainsi donc les autres mondes sont habités comme l'est le nôtre ? demande Burchio. Fracastorio, porte-parole de Bruno répond : Sinon comme l'est le nôtre et sinon plus noblement. Du moins ces mondes n'en sont-ils pas moins habités ni moins nobles. Car il est impossible qu'un être rationnel suffisamment vigilant puisse imaginer que ces mondes innombrables, aussi magnifiques qu'est le nôtre ou encore plus magnifiques, soient dépourvus d'habitants semblables et même supérieurs. » (L'Infini, l'Univers et les Mondes).

L'audace des idées de Giordano Bruno

A l'époque, Bruno n'ignorait nullement que ses doctrines étaient sujets à de vives controverses mais il soutenait pourtant que celles-ci étaient les seules à être compatibles avec l'infinité de Dieu et l'image de l'inépuisable perfection divine. 

Il poussa l'audace jusqu'à aborder la question de l'immortalité de l'âme. Pour lui, l'âme ne périt pas à la mort, elle échange sa première habitation pour une nouvelle. Il l'a voit passer de corps en corps et même de monde en monde, c'est le principe même de la transmigration des âmes (ou réincarnation).

Pour lui, Dieu n'est pas hors de l'univers, mais il fait partie intégrante de tout, c'est la substance et la vie de toutes choses. Il considère l'univers comme une sorte "d'organisme" immense dont Dieu est la grande âme, l'énergie créatrice, la force impulsive.

"Dieu est infini dans l'infini partout en toute chose, ni au-dessus ni à l'extérieur mais totalement intime à toute chose."

"Il n'y a qu'un ciel, une immense région éthérée où les magnifiques foyers lumineux conservent les distances qui les séparent au profit de la vie perpétuelle et de sa répartition. Ces corps enflammés sont les ambassadeurs de l'excellence de Dieu, les hérauts de sa gloire et de sa majesté. Ainsi sommes-nous conduits à découvrir l'effet infini de la cause infinie ; et à professer que ce n'est pas hors de nous qu'il faut chercher la divinité, puisqu'elle est à nos côtés, ou plutôt en notre for intérieur, plus intimement en nous que nous ne sommes en nous-mêmes.

"Tous ces mondes innombrables que nous voyons dans l'univers, n'y sont pas dans un lieu qui les contient, comme une limite et un espace, mais plutôt comme dans un Etre qui en assure la cohésion et la conservation, comme dans un moteur et un efficient. Cet efficient est compris tout entier dans chacun des mondes, comme l'âme est tout entière dans chacune des parties de l'univers. dès lors, bien qu'une monde particulier se déplace vers un autre et autour de lui, comme la Terre vers le soleil et autour du soleil, néanmoins, au regard de l'univers, rien ne se meut ni vers lui, ni autour de lui, mais en lui."

Sa conception du mal fut également totalement surprenante pour son époque. Se plaçant du point de vue de l'optimisme, il démontra que le mal, et partant le diable, qui en est le symbole, ne saurait avoir d'existence absolue, et que tout est bien dans le monde parce que tout y est nécessaire et divin.

Il se remis à contester la théorie de la Trinité, il est donc un précurseur des doctrines unitaristes. Par conséquent, la nature divine de Jésus est niée, pour lui le Christ ne serait qu'un prophète. Il conteste également la virginité de Marie et la transsubstantiation.

Sans amabilité ni délicatesse, il déclame :

"Le Christ ? Un séducteur.
La virginité de Marie ? Une aberration.
La messe ? Un blasphème.
La bible ? Un tissu de mensonges.
Les théologiens ? Des pédants qui ‘froncent le sourcil’ pour se donner l'air important.
Les philosophes ? Des pédagogues ignorants aveuglés par le culte des idéologies, (…) tous des ‘‘ânes bâtés’’ qui passent leur vie à gâcher tous les arguments qui leur viennent aux lèvres (…) pendant que lui,‘‘intrépide chevalier errant du Savoir, part en guerre contre les fausses certitudes…
Non, les femmes ne sont pas moins intelligentes que les hommes.  Non, les gens d'église ne devraient pas jouir de si grands biens mais se contenter d'un peu de bouillon ; non, les Espagnols n'ont pas bien fait de découvrir l'Amérique, car ils ont ‘‘violé la vie d'autrui’". 

En 1588, Bruno écrit que sa propre religion « est celle de la coexistence pacifique des religions, fondée sur la règle unique de l'entente mutuelle et de la liberté de discussion réciproque ». S'il fait confiance à la raison « de tout un chacun », Bruno méprise les dogmes qui empêchent la réflexion.

Pour l'église, Bruno est un hérétique, il représente le mal, l'horreur car à l'époque il est impensable de blasphémer le Christ et de renier les dogmes catholiques d'autant plus lorsque l'on est prêtre. Toutes ces choses lui seront reprochées durant son futur procès.

Au sens premier du terme, Giordano Bruno est bel et bien un hérétique puisque ce terme vient de haireo en grec qui signifie choisir. Brillant philosophe, homme de lettres, de foi et de sciences, Giordano Bruno aurait pu très facilement mener une vie agréable d'érudit de son époque. Pourtant, il a fait le choix de faire passer ses convictions et ses réflexions avant ses intérêts propres. Sans probablement le vouloir il est devenu le symbole de la lutte acharnée de la conscience sur le dogmatisme. 

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